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« Ne bis in idem »

« Ne bis in idem »

Jurisprudence
Droit pénal

« Ne bis in idem »

C-524/15

Cet arrêt est très important puisqu’il examine dans le détail la question du ne bis idem en présence d’infractions boursières et de poursuites administratives et pénales pour ces infractions. Les considérants essentiels sont reproduits ci-dessous. On retiendra que pour apprécier si l’interdiction du ne bis in idem a été violée, il est nécessaire de procéder à une appréciation nuancée de la situation.

Directive 2003/6/CE – Manipulations de marché – Sanctions – Législation nationale prévoyant une sanction administrative et une sanction pénale pour les mêmes faits – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 50 – Principe ne bis in idem – Nature pénale de la sanction administrative – Existence d’une même infraction – Article 52, paragraphe 1 – Limitations apportées au principe ne bis in idem – Conditions.

« 36 Il découle des termes mêmes de l’article 50 de la Charte que celui-ci interdit de poursuivre ou de sanctionner pénalement une même personne plus d’une fois pour une même infraction ….

43 Conformément à l’article 52, paragraphe 1, première phrase, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel de ces droits et libertés. Selon la deuxième phrase dudit paragraphe, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées auxdits droits et libertés que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

46 En ce qui concerne la question de savoir si la limitation du principe ne bis in idem résultant d’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal répond à un objectif d’intérêt général, il ressort du dossier à la disposition de la Cour que cette réglementation vise à protéger l’intégrité des marchés financiers de l’Union et la confiance du public dans les instruments financiers. Eu égard à l’importance que la jurisprudence de la Cour accorde, aux fins de réaliser cet objectif, à la lutte contre les infractions à l’interdiction de manipulations de marché (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck, C 45/08, EU:C:2009:806, points 37 et 42), un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale peut se justifier lorsque ces poursuites et ces sanctions visent, en vue de la réalisation d’un tel objectif, des buts complémentaires ayant pour objet, le cas échéant, des aspects différents du même comportement infractionnel concerné, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

61 Partant, il apparaît qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui autorise, après une condamnation pénale devenue définitive, dans les conditions identifiées au point précédent, la poursuite d’une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale va au-delà de ce qui est strictement nécessaire afin de réaliser l’objectif visé au point 46 du présent arrêt, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

62 Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que la peine définitive prononcée en application de l’article 185 du TUF peut, le cas échéant, être ultérieurement éteinte par l’effet d’une amnistie, comme cela semble avoir été le cas dans l’affaire au principal. En effet, il découle de l’article 50 de la Charte que la protection conférée par le principe ne bis in idem doit bénéficier aux personnes qui ont déjà été acquittées ou condamnées par un jugement pénal définitif, y compris, par conséquent, à celles qui se sont vu infliger, par un tel jugement, une sanction pénale qui a été ultérieurement éteinte par l’effet d’une amnistie. Partant, une telle circonstance est dépourvue de pertinence pour apprécier le caractère strictement nécessaire d’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.

63 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 50 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet de poursuivre une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale contre une personne en raison d’agissements illicites constitutifs de manipulations de marché pour lesquels une condamnation pénale définitive a déjà été prononcée à son encontre, dans la mesure où cette condamnation est, compte tenu du préjudice causé à la société par l’infraction commise, de nature à réprimer cette infraction de manière effective, proportionnée et dissuasive. »


Voir également : 

J. Charconac, Droit financier et boursier : Non bis in idem : alignement de la jurisprudence de Luxembourg sur celle de Strasbourg, Banque & Droit, mai-juin 2018, p. 28 ss.

E. Jouffin, Le manteau d’Arlequin de la répression des délits boursiers, Arrêt de la CJUE Garlsson Real Estate, Banque & Droit, mai-juin 2018, p. 8 ss.

iusNet DB 24.09.2018